vendredi 5 juin 2015

L’un et l’autre ont défié le temps en étant à la mode et hors-sol

Etre une star, rien de plus simple, disait Bowie, le plus difficile, c'est de durer. L'un et l'autre ont défié le temps en étant à la mode et hors-sol, parfaitement synchrones avec des époques qu'ils savaient configurer à leurs effigies transformistes et pourtant se régénérant à chaque disparition et retour à neuf, hydres intactes et éclatantes. Bjrk oui, comme Bowie, leurs connexions et connivences se racontent comme un film gothique et high-tech dont ils constitueraient à eux seuls le bestiaire, héros mi-vampires mi-robots. à lire aussi David Bowie is, makingo de l'exposiion parisienne Des mutants Bowie aborde l'ultrapersonnalisation du star-system rock et de l'idolatrie pop en cherchant à toute force à s'en éclipser, s'abolir, pour mieux revenir. Il tue Ziggy Stardust, le personnage qui le rend célèbre en mettant en scène des adieux qui constituent déjà une mue et une résurrection. D'autres suivront. Bjrk emprunte cette même voie transformiste et radicale, élabore chaque album et son visuel comme une fiction auto-engendrée. Sur les pochettes de disques ce n'est pas moi Nike Tn mais des tentatives de montrer l'état d'esprit qui a présidé à la fabrication du disque, dit-elle. On pourrait citer les fameuses théories de Bowie sur l'artiste comme photocopieuse de talent. Dans ses clips, Bjrk se figure sous différents avatars ou personnages plus ou moins incongrus, ours polaire ou ftus, elfe ou fée clochette à la naveté de comptine ou harpie fashion dévalant les artères d'un Manhattan de carton-pate. Elle est aussi robot ou plante verte, parcourant les doubles chemins croisés d'une rêverie technode et biologique. Le caméléon Bowie est un alien, il investit ses apparences physiques comme un extraterrestre s'habillerait de chair et d'os empruntés. Sexuellement ambigu, queer avant la lettre, il se veut homme, femme, blanc, noir, blond, brun, roux, hétéro, bisexuel, rock, soul, new-wave, jungle, bruitiste et mélodique. Ses alias (Ziggy, Aladdin Sane, le nike tn vetement Thin White Duke, Nathan Adler) viennent redoubler son pseudo (David Jones devenu Bowie). On trouve de tout dans le fatras métamorphique du créateur de Changes, et il pourrait endosser le credo de Bjrk qui résumait sa croyance en un ADN musical mutant l'attitude de Stockhausen et les refrains de BoneyM. Ne jamais rien dire de soi qui n'ait été préalablement filtré, mixé et maquillé car seule l'altérité compte chez ces deux démiurges au narcissisme déphasé. Pour l'un et l'autre d'ailleurs, cette recherche incessante de construction-déconstruction de soi ressemble à une balade au bord du précipice psychotique. Bowie en sait quelque chose, lui dont l'ascendance est marquée par de nombreux cas psychiatrique du cté de la branche maternelle et dont le demi-frère Terry, de dix ans son ané, a été longuement interné avant qu'il ne se suicide. Bowie au festival de Glastonbury, le 25 juin Nike Tn Pas Cher 2000. Photo Reuters Bjrk, de son cté, n'a jamais cessé de jouer à la folle extravertie, contaminée par des hallucinations, traversée par d'incessants cris de joie et d'horreur comme une enfant détraquée. Son dernier album, Vulnicura, se présente à sa faon comme un rempart anxiolytique à la dépression post-rupture amoureuse. à lire aussi Comment accrocher une chanson à un mur Des vampires En 1976, Bowie sort son plus somptueux album, Station to Station ; enquille avec une tournée stellaire entouré, sans doute, du meilleur groupe l'ayant jamais accompagné (qui donnera lieu à quelques concerts inous, dont celui, devenu un bootleg fameux, au Nassau Coliseum) ; il est plus mince et beau que jamais - à croire que se fourvoient ces vipères hygiénistes qui vous diront que l'excès de cocane est mauvais pour le teint. Bjrk, elle, n'a alors que 11ans, et sa voix enlumine déjà un tube national ressassé par la radio islandaise. Depuis, nike ninja games les deux artistes n'ont cessé de consolider un inoxydable paradoxe, presque sans équivalent dans l'histoire de la pop, où la notoriété et l'aptitude à fédérer à long terme une fanbase massive ira toujours de paire avec une crédibilité arty jamais démentie. Un prodige qui caractérise leurs carrières respectives - l'une au relais de l'autre, car quand celle de l'Anglais s'embourbera dans ses errements eighties, l'Islandaise reprendra en quelque sorte le flambeau -, nourrie conjointement d'un génie de l'entourage et d'un éternel souci d'arracher quelque chose à l'avant-garde pour le projeter presque au cur du mainstream. Une faculté à sucer l'ADN de l'époque, à amalgamer quelques recettes ancestrales et envisager la couleur du futur en sons venus d'ailleurs, pour tout régurgiter à l'état de potion d'éternité, entre poème du MoyenAge et dernière trouvaille technode. Du reste, le montage, le collage ou le cut-up ont semblablement nourri les réinventions orchestrées par chaque nouvel album de Bowie comme de Bjrk. Des productions toujours Cheap Jordan Shoes irriguées par des collaborations passagères avec les figures les plus visionnaires ou pionnières de l'instant - de Brian Eno à Nile Rodgers pour l'un, de Mark Bell à The Haxan Cloak pour l'une. Au point que l'on aura pu souponner Bjrk et Bowie d'avoir épongé, dépecé ces compagnons de leur génie - jusqu'à, dans le cas de l'Islandaise, une certaine misogynie (lire entretien pages 8-9). Des fauves Souvent assimilé TN Pas Cher à un félin, Bowie a joué continment d'une étonnante prestance physique, capable d'alterner une étrange immobilité d'animal en vigie et des accélérations dingues de léopard en rut. Exhibant sa dentition carnassière comme s'il allait mordre le micro, nul n'était plus habilité que lui à pousser les feulements disco du titre de Giorgio Moroder pour le remake de la Féline par Paul Schrader, Cat People. La crinière du roi David a beaucoup souffert : balai-brosse roux, brushing banane, choucroute platine, dreadlocks, LouisXIV… Il est le premier à avoir poussé aussi loin le traitement capillaire à géométrie variable qui aurait d selon toute probabilité le rendre chauve à 35ans comme n'importe quel quidam. Mais il n'est pas n'importe qui. Bjrk le talonne d'assez près dans ce registre ébouriffant, se torsadant les couettes en pièces montées japonaises ou s'affublant d'extraordinaires excroissances de crin rouge à l'époque de la sortie de Biophilia en 2011. Bjrk à Tokyo, en 2005. Photo Reuters Leurs voix à l'un et à l'autre composent la synthèse idéal du cri sauvage et du chant sophistiqué. Les guturalités lyriques de Bjrk laissent craindre à l'auditeur qu'elle ne se pète les cordes vocales mais le chant rebondi toujours, quand bien même elle semble chercher le point de rupture, le moment où la voix se brise. Castafiore et crooner, Bowie déploie à chaque disque une amplitude vocale exceptionnelle. Quel rapport apriori entre le chant nasillard de l'époque Hunky Dory et la tessiture grave de Station to Station Comment se fait-il que ce soit le même homme derrière deux chansons aussi dissemblables vocalement que les tubes successifs Ashes to Ashes(1980) et Let's Dance(1983), entre voix de tête hagarde et baryton funk sr de lui C'est que David Bowie n'est pas un fauve, c'est une ménagerie à lui tout seul, poils et plumes, brames et souffles. Des morts-vivants L'homme et la femme aux mille visages n'ont pas traversé mille films. Une douzaine pour Bowie (et encore, souvent à un degré de présence quasi subliminal), tout au plus deux ou trois pour Bjrk. C'est toutefois juste assez pour arracher un peu de sens à ces incursions fugitives au cinéma : la disparité des visages entrane une manière de disparition, et l'idole pop, délestée de ses habituels atours fardés, n'y apparat que pour mieux disparatre, être soustraite au regard, voire souvent mise à trépas. C'est là ce qui advient de la chanteuse islandaise, redevenue humaine sous l'il de la caméra de Lars vonTrier dans Dancer in the Dark(2000) pour mieux être rendue à son statut de mortelle lorsque le nud du pendu achève d'étrangler la voix de ses insatiables hululements suffoqués. C'est aussi tout l'enjeu des rles plus marquants de Bowie, endossés en 1983, qu'il laisse Tony Scott (les Prédateurs) ou Nagisa Oshima (Furyo) l'ensevelir, l'un sous les artifices cosmétiques du vieillissement d'un vampire dont l'immortalité s'effrite soudain, l'autre dans le sable de Java, dans un camp militaire japonais en 1942. Le film d'Oshima embrasse d'ailleurs Bowie d'un plan à l'autre comme une succession d'incarnations et de personnages sans continuité apparente, sinon le désir aigu attisé par sa seule présence. Insaisissable, même exécuté à petit feu dans une mise en scène sadique, il ne saurait inscrire l'image de sa mort dans le plan - celle-ci achève de se consumer dans une ellipse. Chez Tony Scott, lorsque le désamour le condamne au bout d'un quart d'heure à peine à une décomposition spontanée, alors même que le spectateur pouvait le prendre pour protagoniste du film à l'égale de sa matresse vampire (Catherine Deneuve), l'image de Bowie s'évapore avant même que son personnage n'ait eu le temps de signer sa sortie. Pour pareille déité pop, la disparition constitue un horizon antagoniste presque imposé, mais sa mort même demeure impossible à figurer. Les trajectoires respectives de Bowie et Bjrk ont pleinement assimilé cette dimension de leur mythe. La chanteuse s'est faite discrète et éloignée des flashs depuis qu'elle vit avec la maladie. Le chanteur, souvent donné pour mort ou agonisant par la rumeur, joue à ne ressurgir dans la lumière que pour donner signe de vie, tel un revenant, entouré souvent des avatars spectraux de ses incarnations passées - dont il nous apparat seulement aujourd'hui combien le grimage a souvent eu quelque chose du masque mortuaire. De par son retrait du monde, Bowie travaille fatalement à le quitter, un jour ou l'autre, comme déjà avalé par un lent fondu enchané.


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